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Fêtes Nocturnes de Grignan 2017 : un assemblage des genres exceptionnel !

20 juillet 2017
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Lorenzaccio

D’après Alfred de Musset

Mise en scène de Marie-Claude Pietragalla, Daniel Mesguich et Julien Derouault

Chorégraphie : Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault

Avec Julien Derouault, Marie-Claude Pietragalla, Abdel Rahym Madi, François Pain-Douzenel, Anouk Viale, Simon Dusigne, Fanny Gombert, Caroline Jaubert, David Cami de Baix, Benjamin Bac et Olivier Mathieu

Château de Grignan
26230 Grignan

www.chateaux-ladrome.fr

Dans Lorenzaccio, Alfred de Musset présente un héros romantique italien dans la Florence du XVIe siècle.
L’œuvre impose son rythme haletant au Château de Grignan en pleine soirée estivale du festival annuel, les Fêtes Nocturnes.


Entre classique et contemporain avec son lot de références, on pense à Michael Jackson, au hip-hop, au classique ou encore à Tadeusz Kantor avec en prime cette permanence que l’on trouve dans les chorégraphies de Marie-Claude Pietragalla qui apporte son mouvement perpétuel à la dramaturgie.

Le Théâtre du Corps : le théâtre et la danse

Le public connaît Pietra (comme ses amis la nomment) et son rapport à la danse. Elle n’a cependant pas voulu d’une œuvre et encore moins d’un Lorenzaccio qui tournerait autour de la seule chorégraphie. C’est une autre expression qu’elle a créée avec Julien Derouault en se consacrant à ce qu’en un duo harmonieux ils ont construit ensemble pour le jeu, pour l’interprétation des acteurs et pour leur gestuelle.

Cette expression artistique s’est formalisée en 2004 dans la construction de leur compagnie : Théâtre du Corps Pietragalla-Derouault. Pour leur appréhension de Lorenzaccio, ils ont fait logiquement ce choix, avec le metteur en scène Daniel Mesguich, d’apporter une multiplicité des talents en jouant sur ces deux arts vivants que sont le théâtre et la danse.

Lorenzaccio RRRRR La Mort du Duc Pascal Elliott 3
“La liberté de l’art s’accompagne d’une revendication de la totalité, du mélange des genres et des tons.” – M.-C. Pietragalla

“C’est une mise en scène partagée”, nous dit Marie-Claude Pietragalla. “Nous avons eu cette envie d’une rencontre entre le théâtre et la danse. Le Lorenzaccio d’Alfred de Musset nous a permis d’explorer et même de transfigurer le rapport que les comédiens ont à leur corps tout en inventant pour le danseur un nouveau rapport au langage. Nous appelons cela : faire danser le théâtre et théâtraliser le mouvement.”

“C’est une aventure chorégraphique, théâtrale et humaine”, précise Julien Derouault. “Une aventure passionnante qui échappe aux règles habituelles. Elle additionne les possibilités de l’artiste, elle transcende une dramaturgie puisqu’elle cherche du sens à travers le corps et les mots.”

Lorenzaccio, un défi pour les artistes

Ce drame romantique a été joué pour la première fois en 1896 après la mort de l’auteur au Théâtre de la Renaissance. Alfred de Musset l’écrivit en cinq actes en 1834 avec l’apport évident de George Sand, qui lui avait confié son manuscrit d’une scène historique inédite : Une Conspiration en 1537.

Le texte représente un défi parce que la pièce est assez compliquée : multiples décors, nombreux personnages, longueur, difficile à jouer puisque la pièce était conçue à l’origine pour être “lue dans un fauteuil”. 

Puis, le texte a été oublié pour devenir, en 1952, une des œuvres maîtresses de l’histoire du festival de théâtre en Avignon. Sur une musique de Maurice Jarre (déjà bien avant Lara), apparaissait Gérard Philipe, acteur et metteur en scène assurant l’intérim d’un Jean Vilar bloqué par une intervention chirurgicale.

Comment ne pas avoir une pensée pour Claude Rich qui vient de nous quitter pour son Lorenzaccio mis en scène par Franco Zeffirelli en 1976 ?

Ce défi aura donc été à nouveau relevé par le découpage et la réduction qu’en a fait Daniel Mesguich en dramaturge exigeant.

11 danseurs-comédiens assiègent la façade Renaissance du château

Lorenzaccio façade illuminée RRRRR photo Pascal Elliott 4Dans cette Florence libertine qui annonce ses Casanova, une foultitude de danseuses-comédiennes vont et viennent comme une volée de moineaux, sorte de Sabines que des rustres enlèvent au passage. Abdel Rahym Madi, en Duc Alexandre de Médicis, tient d’une main de fer ses sujets. Ici, on ne rigole pas avec le chef. Sauf ce Lorenzo qui se croit tout permis. Un Cardinal, habillé de rouge papal, glisse tel un derviche tourneur monté sur gyroroues. Cette planche électrique à roulettes dépasse hélas de dessous la robe liturgique, dommage ! Ce qui n’enlève rien à son talent.

 

Il faudrait citer tous les acteurs de cette belle harmonie. De la déchirante composition de Caroline Jaubert et François Pain-Douzenel jusqu’aux circassiens David Cami de Baix et Olivier Mathieu qui nous renvoient avec délectation au théâtre acrobatique. Ces onze comédiens-danseurs, ce n’est que du bon jus !

Le corps, les mots, voilà la quête de Lorenzaccio, chorégraphie théâtrale se jouant à l’issue d’une journée ensoleillée qui annonce la chaude et reposante soirée des Nocturnes, devant la façade François Ier du Château de Grignan, un des fleurons des Châteaux de la Drôme.

L’espace est fantasmagoriquement transformé, habillé, transcendé par la création vidéo de Gaël Perrin (cf. son monde graphique pour M. & Mme Rêve, spectacle de Pietragalla/Derouault). 

Lorenzaccio Derouault vole photo Pascal Elliott 11Julien Derouault ne court pas, il flotte dans les airs

Un mot sur Julien Derouault. Il campe un Lorenzo de Médicis exceptionnel. Il est d’une étonnante crédibilité.
Sa gestuelle est aussi fluide quand elle touche à la mélancolie qu’éclatée dans les ruptures ultramodernes. Il surdimensionne son personnage sans le surjouer. Ce remarquable danseur nous surprend non seulement par son talent évident, lui le soliste et chorégraphe de renom, que par le comédien qui joue juste.

Julien Derouault s’impose. Il est partout, il ne court pas, il flotte dans les airs. Il est petite chose rampante et cassée quand nécessaire ou encore formidable condottiere entre folie et poésie.
Ajoutons qu’il fait le choix de féminiser son Lorenzaccio, apportant à son personnage un charme déconcertant.

Cette ambiguïté serait-elle éventuellement placée dans son espace aérien pour nous rappeler que Sarah Bernhardt tenait ce rôle-titre en Avignon en 1896 ?

Lorenzaccio MC Piétragalla Danse photo Pascal Elliott 5 copiePietragalla, la recherche de l’éternel féminin

Figure emblématique et médiatique de la danse française, Marie-Claude Pietragalla a interprété les plus grands rôles des ballets classiques et a su s’imposer avec une aisance déconcertante sur la scène internationale au sein du répertoire contemporain (également au théâtre en 2000 pour lire Camille Claudel et en 2015 pour jouer dans L’Élixir d’amour d’Éric-Emmanuel Schmitt, mis en scène par Steve Suissa au Théâtre Rive Gauche).

Elle apporte cette touche classique qui semble demeurer un temps suspendu à sa recherche de l’éternel féminin. Elle est une respiration dans le rythme diabolique d’un Lorenzaccio effréné que le public réclame de conserver encore quelques minutes pour lui seul. Rappels ! C’est un triomphe !

 

Julien Derouault et Marie-Claude Pietragalla apportent cette conclusion : “C’est notre rôle principal d’échanger, d’émerveiller, de partager, de bousculer, de réveiller et d’émouvoir. Il nous faut mettre en commun nos énergies, nos contradictions, nos espoirs et nos désespoirs. C’est en cela que la culture permet à l’individu de s’élever.”

Patrick DuCome

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[Photos © Pascal Elliott]

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